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GROUPE NOMINAL, ADVERBES, PREPOSITIONS.

Comme le français standard, le ‘’diouxois’’ connaît deux genres et deux nombres, et les déterminants, les qualifiants s'accordent avec les substantifs, les verbes avec les sujets. Toutefois on vient de voir que l'article indéfini [yn] pouvait exceptionnellement entraîner des changements de genre (une hangar) ; il en est quelques autres ; ainsi le mot "espèce" est couramment masculinisé alors que, au cours d'un hiver rigoureux, on affirmera qu'il fait "une froid de chien". On dira aussi que "l'air est froide" et, par un accord de proximité, que "le fond de l'air est fraîche". Et il faut savoir qu’'"une serpent" n'est pas forcément "un vipère". Certains glissements phonologiques amènent aussi des modifications : "l'horloge", on l'a vu, est devenu "le rloge". Un certain nombre de noms en [o] terminés par al en français ont en "diouxois" la même forme que leurs pluriels : "un chevau", "un bocau", "l'hopitau". Le souci de marquer le féminin de noms ou d'adjectifs se terminant par un son vocalique génère quelques singularités : la femelle du "chevau" est la "chevaude", la femme du "maréchau" la "maréchaude" et l'épouse de "Mignot" "la Mignaude" ; "joli" se féminise en "jolite", "gai" en "gaite", "gentil" en "gentite", "poilu" fait "poiluse" et "pointu" "pointuse", etc., alors que, au contraire, ‘’la Loire est traître’’. ‘’Nain’’ donne ‘’nine’’, et "poulain" "pouline". Quelques adjectufs en [y] font leur féminin en [yz](pointu - pointuse, poilu - poiluse) mais ce n'est pas le cas de la majorité (bouillue, foutue).

La dérivation en "erie" à partir d'un adjectif, indiquant qualité (ou défaut), existante en français (pingrerie, ladrerie) est usitée dans le parler local ("bredinerie", "tortinerie") mais est plus fréquente à partir de verbes ("pouffinerie", "piounerie", "traînerie") et se rencontre au moins une fois à partir d'un nom ("curasserie") 

Pour former les adjectifs qualificatifs, fréquemment substantivés, le langage local pratique les modes usuels de dérivation. Mais certains sont privilégiés. Le suffixe dépréciatif, sinon toujours péjoratif, "aud" est de ceux-là. On peut être, comme ailleurs, rougeaud, soûlaud ou courtaud ; naïf, on est "brelaud" ou "breluraud", simple d'esprit "bredignaud" ; on se méfie des "mendigauds" et des "saccarauds". La désinence "ard" indique l'habitude et le goût : un "fêtard" est aussi un "amusard" ; un bagarreur est "battiard" et un séducteur impénitent est réputé ‘’queutard’’. Les suffixes "eux" et "eur", lorsqu'ils sont péjoratifs, deviennent "oux". Un enfant pleurnichard est décrété "couinoux" ou "chiounoux", un homme bedonnant est "beuillassoux" ; si on est "cretoux", "ciroux", "reutoux" (ou "reuilloux") on serait bien inspiré de se décrasser, mais un "crassoux" n'est pas forcément sale : ce peut être aussi un individu malhonnête et peu recommandable. En revanche, qu'il soit heureux ou malheureux, un enfant qui manifeste fréquemment son affection est "amitieux" et non "amitioux", mais traduire ses sentiments par un excès de baisers fait de lui un "bichoux", voire "un "bichouilloux" ou un "lechoux" !  Des substantifs peuvent être employés comme adjectifs : d'un fruit vénéneux on dit qu' "il est poison".

Les articles n'appellent pas de remarques lorsqu'ils déterminent des noms communs. A ceci près que, dans certaines expressions, l'un peut remplacer l'autre : on dira d'une cane qu'elle "tend du cou" pour attraper de la salade. Mais, comme dans tout le centre de la France, l'article défini s'emploie systématiquement devant les noms propres de personnes. "Dans mon jeune temps" je n’ai jamais entendu évoquer un autre enfant ou un adulte sans que son prénom - ‘’son petit nom’’ -, suivi ou non de son patronyme, soit précédé de "le" ou "la". "Le Roger Moulois" et "le Loulou Gaume" étaient moins diables que "le Guy Raymond". "L’Alain" et "le Lili" étaient du même âge ... Et "le René" n'avait pas quinze ans qu'il fréquentait déjà "la Paulette".

Mais si l'article ainsi placé devant le prénom n'a pas de valeur sémantique particulière, il n'en est pas de même lorsqu'il précède immédiatement le nom de famille. Du moins au singulier, car on dira volontiers que "les Granger" sont du bon monde. En revanche appeler quelqu'un "le Binon" ou "la Faluchet" est dépréciatif ; paradoxalement, si l'on précise : "le vieux Binon" ou "la vieille Faluchet", quel que soit d'ailleurs l'âge de l'intéressé(e), la formule sera, selon le contexte, méprisante … ou affectueuse. Les sobriquets - on ne dit pas les surnoms -, quand ils ne comportent pas d'article dans leur libellé, peuvent ou non être précédés de "le" ou "la", au gré du locuteur. L'aîné de la famille Denizon, pendant plusieurs générations, a été surnommé "Fayette" ; mais parler de lui en disant "le Fayette" n''avait pas de connotation spéciale.

Il arrive que, pour désigner les habitants d'un village, on utilise le nom de celui-ci précédé de l'article "les" : ainsi dira-t-on que "Les Beaulon, faut s'en méfier : y'en a mais que d'un que s'y entend en sorcelage". Peut-être est-ce un raccourci de "les gens de Beaulon", mais plutôt sans doute de ‘’les de Beaulon’’, forme équivalente à "ceux de Beaulon" que nous verrons plus loin ; toujours est-il que cette tournure peut fournir un éclairage, original pour notre région, sur le processus général qui aboutit à transformer un toponyme en patronyme. Enfin la forme contractée ancienne "ès" (dans les) qui a subsisté dans quelques noms de localités (Riom-ès-Montagnes dans le Cantal, Méry-ès-Bois dans le Cher) s'emploie à la place de "aux", non seulement devant des noms pluriels de lieux-dits : "Les Bouiller demeurent ès Rodillons", "Les Minard ont été longtemps ès Prats", mais aussi plus généralement ("C't'après-midi faut que j'aille ès patates" – "C'est pas croyable c'que j'a mal ès reins" – "J'a seulement pus ren à me mettre ès pieds").

Le seul adjectif possessif à présenter une particularité notable est celui de la troisième personne du pluriel ; "leur(s)" devient, comme le pronom personnel identique, "ieu(x)" ou ‘’leu(x)’’: "Les Mâchuret m'ont dit qu'ils sont brouillés avec ieu gars, mais moi je veux pas me mêler de leux affaires." Les autres ne présentent que des particularités de prononciation : "nout" [nut], "vout" [vut] pour "notre" et "votre". (Les pronoms correspondants adoptent les mêmes formes).

L'adjectif (et pronom) indéfini "quelque" se prononce "quiéque" [kjek] ; "aucun" est inusité : on dit "pas un" 

Les adjectifs démonstratifs se singularisent davantage. "Ce", élidé en "c'" s'emploie aussi bien devant un nom féminin que masculin pourvu qu'il commence par une consonne ; mais il devient très souvent [st?] ; on dira indifféremment "ce gars""ce gatte""c'gars""c'gatte", ou "[c't?] gars""[c't?] gatte". Mais la forme élidée [st], qui se substitue à "cet" et "cette", est seule admise devant une voyelle ou un h (toujours muet) : "c't' affaire""c't' homme". "Ceux" est la forme plurielle commune aux deux genres : "ceux gars""ceux gattes""ceux hommes", "ceux affaires". Le parler local utilise volontiers la forme emphatique "ce ... - là" : "C'te gars-là est pas feignant". En revanche "ce ... - ci" est ignoré, suivant en cela le sort de "ceci" et "cela" toujours remplacés par "ci" et "ça" et de l'adverbe "ici" généralement supplanté par "là".

Les adverbes en effet présentent quelques particularités. Comme dans tout langage populaire, "ne … pas" est simplifié en "pas", qui suffit à marquer la forme négative d'un verbe : "Mange pas tant de pain !". ‘’Donc’’, quoique répertorié parmi les conjonctions, mérite de figurer dans cette rubrique, tant il est fréquemment employé après un verbe soit comme renforçatif : ‘’Dis me donc c’que t'boules, ça t' soulagera’’, soit comme simple explétif : ‘’Va donc là v’où qu’ te veux !’’. On use aussi très souvent de ‘’voire’’, avec une valeur d’insistance, après un impératif : ‘’Ecoute voire (ou viens voire), gars, que j’te dise quelque chose’’. On ne craint pas même de combiner les deux : ‘’Approche donc voire si t’es pas feignant !’’. Le diouxois a conservé, avec tantôt le sens de ‘’assez’’, tantôt celui de "beaucoup", l'ancien terme "prou" que le français n'utilise plus que dans l'expression "peu ou prou" : "J'a prou soif" – "Des topines, c't' année, j'en a prou". Dans cette famille de mots comme dans les autres, certains termes sont inusités, d'autres sont employés dans un sens qui n'est pas, ou n'est plus, le leur en français. Ainsi on utilise la locution "là et là" pour signifier la fréquence d'un fait dans le temps ou dans l'espace : "Le chetit commence à peine à marcher, i tombe encore là et là.". "Mêmement" a le sens de "vraiment", "réellement" : ‘’On dirait mêmement qu'il cherche à prendre un mauvais coup’’ et celui de "précisément", "exactement" : ‘’Le feu a pris mêmement comme j'arrivais" ; on trouvera quelques autres exemples de ces singularités dans la rubrique "expressions préférentielles". A signaler l'emploi antonymique de "beaucoup", dans l'expression "savoir beaucoup", qui a le sens de "n’être absolument pas certain" : "Ils disont au poste que les Boches avont pris Moscou, mais on sait beaucoup si c'est vrai ...’’

Les prépositions ne sont pas originales ; tout au plus substitue-t-on aisément "dedans" à "dans" : "Mets-me donc ceux pierres dedans c’te trou" ; "du" remplace "dès le" :"La pleue s'est enrayée du matin.". Comme l'adverbe "puis" se dit "pis" et de préférence "et pis", la préposition "depuis" devient "depis" et plus souvent "en depis". Notons que "de" a le sens de "par" dans l’expression "s’y prendre de ruse"  ou bien "être mangé des côs", "piqué des vers" et de "pour" dans la formule  "pas être en retard de …" "J'sus pas en retard de manger des radis : j'a pas attendu le mois d'avril pour en ramasser" "à"remplace systématiquement "de" pour indiquer l'appartenance ("le gars au René", "le bateau à Ducluzeau") et peut dans quelques cas se substituer à "pour" : "Le Pierre était pas chez soi, ça fait que j'a fait mon chemin à rien". "Sus", forme locale de "sur", peut avoir le sens de "sur le domaine de" et celui de "en direction de"; ainsi dira-t-on qu'on est passé "sus Goulinet" (un exploitant agricole) pour aller "sus Putay" (un hameau). On pourrait encore prétendre que "au" a la valeur de "chez le (ou la)" puisque l'on va "au coiffeur", "au dentiste", "au boucher" ; il s'agit plutôt d'un phénomène de métonymie, courant dans tout langage populaire : le métier désigne le lieu où on l'exerce ...bien qu’on n’aille pas  « à l’épicier » ou « au maréchau ».

LES FORMES PRONOMINALES.

La liste des pronoms personnels peut surprendre le lecteur étranger au Bourbonnais :

Personne

Sujet

Objet direct

Objet indirect Attribution

Apposition

 

Singulier

Pluriel

Singulier

Pluriel

Singulier

Pluriel

Singulier

Pluriel

 

Première

je (j')

je (j')

nous (n')

me (m')

nous

me (m')

moi - à moi        [mwe]

nous

moi

[mwe]

nous

nous aut's

 

Seconde

te (t')

vous

te (t') outu

vous

te - (t') - toi à toi twe]

vous

toi

[twe]

vous

vous aut's

Troisième

masculin

il (i)-al (a)

ol (o)

is(i) - as(a) - os(o)

le ou lu

les

li ou lu

à soi [swe]

leux ou ieux

soi

[swe]

eussesou ieux autres

Troisième féminin

al (a)

 

as (a)

la

les

li ou lu

leux ou ieux

à eusses

soi

[swe]

eussesou ieux autres

Troisième neutre

ça

 

y

 

y

 

ça

 

 

 

Ainsi dira-t-on, par exemple : "j' nous sons ben amusés (avernés, promenés, ...)" ou bien : "Amuse-tu pas avec ça, donne me-z-y", "apaise-tu !" (tais-toi). Passons sur la substitution, usuelle en langage populaire, de "ça" à "il" neutre : "Ca va pleuvoir. – Ma foi non, ça va pas pleuvoir, ça pleut déjà !" Systématique devant les verbes évoquant les phénomènes météorologiques, elle se pratique aussi avec "devoir", "pouvoir", mais non avec "falloir". "Ce", quand il ne s'élide pas, fait place à "ça", aussi bien comme sujet ("Si te tombes malade, ça sera pas volé, à sortir dans le froid sans rien") que comme complément : "Faut pas croire tout ça qu'on te dit". Cette formule prouve aussi qu'on fait systématiquement l'économie de "il" neutre : "Va pas falloir traîner, pourrait ben pleuvoir !"

On constate la coexistence de deux formes à la première personne du pluriel sujet :"J'ons (ou nous ons) guère de sous" dira un paysan appartenant à une famille peu argentée. Mais s'il emploie la forme verbale "avons" il n'aura pas le choix et ne pourra dire que "j'avons". La troisième personne est riche en possibilités : il, al, ol; toutefois la forme "ol" est moins usitée que les deux autres et trahit une origine bourguignonne ou morvandelle, ou une contamination de même provenance. La seconde personne a la même forme "te" pour sujet et complément, sauf dans le cas d'un verbe pronominal à l'impératif où c'est "tu" qu'on emploie comme complément : "tais-toi !" se traduit par "taise-tu !" ou "apaise-tu !" [apesty]. Le complément indirect à la troisième personne présente des formes originales ; le choix entre "li" et "lu", substituts de "lui", est possible dans certaines occurrences : J'va li (ou lu) foutre ma main sus la gueule", mais n'est pas toujours possible : "Va li dire (et non pas lu dire) de venir me voir". A l'inverse les deux formes plurielles "leux" ou "ieux" seraient admises dans les mêmes formules, avec toutefois une préférence pour la seconde : "Va ieux y dire que j'vas ieux y foutre ma main sus leux gueules". Les élisions qui affectent les pronoms personnels ont été évoquées plus haut.

C'est ici le moment de signaler la polysémie du pronom "y". Outre son usage, comme en français standard, pour évoquer un lieu ("La foire à Dompierre, j'y va tous les mois"), c'est un pronom complément passe-partout qui peut aussi bien remplacer, lorsqu'il évoque un nom commun, "le" que "la" ou "les" : d'un panier, d'une lessiveuse ou de "tavelles" de bois, on dira "C'est pas ben lourd, j'vas ben y porter jusqu'à la maison". "Y" prend aussi systématiquement la valeur du "le" neutre : "Vins donc m'y dire là si t'es pas feignant". On a notamment recours à lui dans le cas d'un double complément pronominal direct et indirect : "Va le lui dire" se décline "Va l'y dire". On pourrait supposer ici que ce [li]n'est que la forme locale "li" de "lui", la langue orale courante faisant volontiers l'économie du complément direct "le" ("Va donc li dire que j'sus là"). Mais le passage au pluriel ou à une autre personne, qu'on vient de voir, nous détrompe : "Viens m'y dire""Va ieux y dire".

Enfin on relève que, en situation d'apposition ou d'attribution, la forme ancienne "soi" [swa] [swe] subsiste là ou le français emploie "lui" ou "elle" : "Soi, c'est pas un feignant (une feignante) !" – Moi, j'a pas besoin de tomates, t'as qu'à les donner à soi qu'en a guère". La même forme se retrouve au présentatif : "C'est pas moi, c'est soi qu'est malade". Ma grand'mère, dans son jeune temps, s'était rendue chez le sabotier du village ; l'épouse de l'artisan appela son mari : "Vincent, viens voire ! c'est la Jeanne, c'est soi qu'a le pied gros" Quant aux pronoms pluriels compléments ou apposés, il sont généralement renforcés par l'adjonction de l'indéfini "autres", prononcé [ot]: "Nous autres, on a pas les moyens comme vous autres" – "Eux autres (ou ieux autres), c'est du monde qu'est pas de bruit."

 

Les pronoms relatifs se signalent par la polysémie étendue de la forme "que", fréquemment élidée en "qu'" même devant une consonne. On ne l'utilise pas seulement comme objet : "le panier qu'te portes est ben trop lourd pour une chetite gatte comme toi !"Mais il remplace systématiquement «qui» comme relatif sujet: "Le Marcel, c'est pas un gars qu’s'occupe des autres". Il remplace également les pronoms compléments de nom "dont" et "de qui" : "l'affaire (ou l'homme) que je te cause" et, aux deux genres comme aux deux nombres, les pronoms relatifs composés "à qui", "de quoi", "auquel", "desquelles", "par lequel", etc. : "J'connais seulement pas l'homme que j'ai demandé mon chemin" – "J'sais pas la raison que la dispute s'est emmanchée". Un "que" explétif renforce très souvent les autres pronoms : "Quand qu'te vindras, si qu't'en as envie, on ira à la pêche là v'où qu'on y a déjà été."

Les pronoms démonstratifs constituent une famille particulièrement intéressante.

Le pronom "ce" utilisé comme antécédent d'une relative devient systématiquement "ça " : "Ca que te me dis, j'y crois pas !". "Ceci" est inusité, remplacé par « ci » dans quelques occurrences, et "ça" remplace systématiquement "cela" : "On raconte ci et ça ; les uns disent d'une façon, les autres d'une autre.". "Ca" se rencontre aussi – et cet emploi me paraît original – antéposé à quelques rares adjectifs qualificatifs, dans ce cas invariables, évoquant des personnes avec des connotations affectives variées : "ça vieux", sauf dans une occurrence humoristique, est nettement péjoratif. "Ca pour vieux" et "ça pour chetit" impliquent au contraire une nuance de commisération, "ça chetit" de tendresse amusée. "Ca chetit, regardez-moi si c'est gentil !" – "Ca vieux, ça vaut pas cher ..." – "Ca pour vieux, ça serait mieux en terre qu'en pré" (entendez "mort que vivant")L'invariabilité du qualifiant permet de supposer que ces formes apposées emphatiques sont des raccourcis de "ça qu'est vieux (chetit, pour vieux, pour chetit)". "Celui" se simplifie en "çui" (plus fréquemment "çui-là" - et jamais "çui-ci") ; "ceux" (fréquemment "ceux-là") prend aussi la forme "ceusses", ou "les ceusses" ; on raconte que les jeunes de Saligny, fiers de quitter leurs sabots les jours de fêtes, chantaient jadis :

"Les ceusses qu'avaint des bottes, i(l)s savaint s'amuser ;

Les ceusses qu'avaint point d'bottes, i(l)s s'amusaint pas si ben tant seulement !"

Typique de notre région est l'emploi comme pronoms démonstratifs des pronoms personnels "le", "la", "les" aux lieu et place de "celui", "celle", "ceux". Occupé à fendre du bois avec l'aide d'un voisin, on lui dira : "M'faudrait une grosse cognie, donne-me donc la qu'est sus le plot." Voici un jardinier embarrassé : "J' sèmerains ben de la salade, mais il me reste pus de graine ; te peux pas me donner de la qu't'as fait l'année dernière ? Si le bruit court que les métayers d'un domaine vont déménager, on rapportera : "I(l) paraît que les des Davaux vont faire la Saint-Martin." Ou bien, évoquant la fameuse épidémie de "grippe espagnole" de 1917, un ancien rapportait : "Y'en a gros qu'y sont restés ; et les qu'en ont réchappé, ils ont mis du temps à se repaumer." Parallèlement, "des" prend fréquemment, en évoquant des personnes, la valeur du pronom indéfini "certains" : "Y en a des que sont tout le temps à se plaindre." Notons aussi, la redondance ?tout chacun?pour ?chacun? : "Tout chacun dit la sienne".

Les pronoms possessifs masculins singuliers sont analogues aux féminins : "le mienne", "le tienne", "le sienne" : "Donne-me donc un' aut(r)e bigot que le manche du mienne est cassé."

LES TOURNURES INTERROGATIVES.

 

L'inversion simple du sujet "Vas-tu à la foire ?" est inusitée. La forme la plus commune est purement intonative : "Te vas à la foire ?". Renforcée par l'explétif "t-il" prononcé [ti] : "Te vas-t-i(l) à la foire ?", elle prend une valeur d'insistance, d'impatience et presque de menace, surtout si elle s'accompagne de l'adverbe "bien" ([Bg]) : "Te vas-t-i(l) ben m'écouter une bonne fois ?".  De même que "est-ce ... ?" devient "c'est-i(l) ...?" "C'est-i(l) mon Dieu possible ?", la tournure "est-ce que .. ?" prend chez nous la forme "c'est-i(l) que ..?" : "C'est-i(l) que te vas à la foire ?" C'est même la seule admise si le sujet n'est pas un pronom : "C'est-i(l) que le Glaude et la Marie vont à la foire ?". Elle marque fréquemment une nuance d'étonnement, en particulier si le verbe est au conditionnel : "Ca serait-i(l) que te vas à la foire ?" ou si cette interrogation est légitimée par une subordonnée consécutive :"C'est-i(l) que te vas à la foire que t'es habillé beau ?" La forme interro-négative connaît les mêmes avatars :"Te vas-t-i(l) pas me fout' la paix ?" "N'est-ce pas ... ?" devient "C'est-i(l) pas ... ?" : "C'est-i(l) pas malheureux de voir des horreurs pareilles ?", formule dans laquelle la valeur exclamative prend le pas sur l'interrogation pure et simple.

Comme les conjonctions de subordination, pronoms et adverbes interrogatifs sont systématiquement enrichis d’un ‘’que" suivi de la forme affirmative : "Qui qu'est là ?"[kjikjelA], "Là (v)où que te vas ?""Quand que te vas revenir ?""Comment qu'ol a fait son compte ?""Pourquoi donc que te me causes pus ?", ou même d'un "que c'est-i(l)?" : "Quand que c'est-i(l) que vous revenez ?"  "Comment (que c'est-il) qu'ils ont fait ieu compte ?" – "Là-v-où donc (que c'est-il) que t'as trouvé ton plant de patates ?". Pour sa part, le "qui ?" du français standard est souvent renforcé du présentatif : "C'est qui qu'est là ?". "Qui est-ce qui ... ?" devient "qui que c'est que ... ?" (Qui que c'est que vint ? [kjikjsekvG]) ou "c'est qui que ... ?" ("C'est qui qu' vint ?"). "Qui ?" peut aussi se substituer à "que ?" ou "qu'est-ce que ?" ("Qui que te dis ?" [kjikjtEdi] ou [kjikjEtdi], "Qui que te veux ?"); l'usage du présentatif donne alors "Qui qu' c'est qu' te dis ?" [kjiksékEtdi]. "Que ?" est plus rarement remplacé par "quoi ?" ("Quoi qu'te dis ?", "Quoi qu'o(l) fait qu'o(l) vint pas ?) mais on préférera ‘’Qui que c’est qu’o(l) fait qu’o(l) vint pas ?’’

"Pourquoi" s'accommode moins bien du "que c'est-il" ; on peut certes dire ‘’Pourquoi que c’est-il que le Toine te cause pus ?’’ mais on se bornera aisément à "Pourquoi donc que le Toine te cause pus ?". à moins que l'on n'emploie la formule "à cause que ?" : "A cause que te veux pas venir au bourg avec moi ?" ou, ce qui implique aussi soupçon et reproche, "par quelle (donc) raison" : "Par quelle donc raison que te me fais la gueule ?". C'est que ’pourquoi’ ?’ a, aussi bien au style direct qu’au style indirect, de nombreux substituts comme ‘’qui faire ?‘’ : ‘’Qui faire que te t’es levé si bonne heure ?’’ ou ‘’comment que ça se fait ?’’ : ’’Comment que ça se fait que t'as pas encore semé ton orge ?’’ Les mêmes locutions sont employées dans le discours interrogatif indirect : "Je sais pas comment que ça se fait que je sus pas tombé !", "Mon père m'a demandé quand que c'est que vous allez revenir" – "Faudra me faire voir comment que te fais pour affûter une scie". Dans ce mode de construction, "qui" peut se substituer à "que" ou "quoi" : "La Berthe, elle sait pas qui faire pour rendre service à sa bru". ‘’Qui’’ se substitue également, au style interrogatif indirect, à "ce" antécédent : "Dis-me voire qui que te veux, à la fin !" On peut retrouver alors ‘’qui faire que ?’’ ("J'sais pas qui faire que t'as été t'enverrer dans ce chemin qu'est pas passable’’). En revanche l'interrogation indirecte ne présente pas de forme particulière : ‘’Faudra me dire si te veux de la graine de raves" si ce n'est l'intercalation d'un "que" après la conjonction du français standard : "Quand qu' te vindras, si qu' te vins, te me diras pourquoi qu' t'as pas pris tes graines au syndicat, là v'où qu'te les as achet's et comben donc que t' les as payées."     

 


LES SUBORDONNEES CONJONCTIVES

 

Cette adjonction explétive d’un ‘’que’’ à la conjonction de subordinationse retrouve dans un bon nombre de subordonnées circonstancielles. Pour les temporelles, ‘’quand que’’, bâti sur le même schéma que l’inusité ‘’lorsque’’, est l’introducteur le plus fréquent : ‘’Quand que t’airas fini, te m’y diras’’. Comme en français standard, ‘’après que’’ commande l’indicatif (passé composé ou futur), et ‘’avant que’’ le subjonctif : ‘’Te revindras ben me voir avant que te t’en alles ?’’; mais on préférera ‘’avant de t’en aller’’ ; on dit ‘’sitôt que’’et non ‘’dès que’’. Les complétives de lieu commencent non par ‘’où’’ mais par "là qu' " : "T'as point de soin ; te laisses tes outils là que la main t'ouvre" ou ‘’là v’où qu’ ‘’ : ‘’Quand que te partiras à l’armée, faudra ben que t’alles là v’où qu’i(l)s t’enverront". ‘’Tant que’’ peut avoir valeur temporelle, préféré à ‘’pendant que’’ (‘’Tant qu’i' cause, i' travaille toujours pas") ou comparative, préféré à ‘’autant que’’ : ‘’Il en fait pas tant qu’il en dit.’’ Même la conjonction de condition "si" est complétée par "que" : "Si que te voudrais, on pourrait aller se promener." A noter que les conjonctions ‘’or’’ et ‘’car’’, curieusement dites de coordination alors qu’elles introduisent une notion de dépendance entre les énoncés qu’elles unissent, sont ignorées des Diouxois. La cause s’indique par ‘’parce que’’ [pask] mais aussi par ‘’à cause que’’ ou ‘’cause que’’ : ‘’J’sus en colère à cause que le Jacques est pas veni me voir’’ ; à ‘’puisque’’ [pisk] on préfère souvent ‘’du moment que’’ : "Du moment qu’ t’y dis, j’te crois’’. La conséquence se marque par "Ca fait que" : "Ca a pas décessé de pleuvoir, ça fait que j'a ren pu faire." Autre forme : ‘’si tellement ... que’’ : ‘’La Berthe s’est si tellement goinfrée que ça li a porté au coeur’’ ; de même "au cas où" est remplacé par "en cas que" : "En cas qu'on t'y demande, te diras que t'y sais pas". ‘’Quoique’’ et ‘’bien que’’ n’ont pas droit de cité dans notre langue, qui a conservé l’ancien ‘’malgré que’’ condamné par les puristes : ‘’Malgré qu’il a pas tombé de pleue depis quasiment un mois, c’est pas encore la grosse chesseresse. Enfin "que" suffit à indiquer aussi bien la cause ("Faut qu'je resème des carottes que les premières sont pas nées") que la conséquence ("I' fait froid qu'la goutte me gèle au nez").